Par Alain Lambert
APOLOGIE DES MÉTIERS INGRATS
Et voilà ce que c’est d’avoir été un cancre à l’école ! J’en suis réduit à faire le guignol pour gagner ma pitance devant une journaliste du Parisien ! Avec ma coupe de cheveux de Doc Emmett Brown, je parcours les rues pour photographier les chiens de Paris et en profiter pour faire la promotion du ramassage. Je suis déçu ! Pas une des nombreuses personnes qui ont commenté ce reportage n’a pensé à expliquer que c’était un « métier de merde ».
Et le pire dans cette histoire, c’est que j’adore ça ! J’aime les gens qui font des métiers ingrats. Agent animalier, embaumeur, agent de propreté… Quand je vois les éboueurs commencer à l’aurore, se taper une heure voire plus de RER, pour aller ramasser les restes de repas, les masques et les canettes (ou bien pire encore) jetés à trois mètres des corbeilles de rue (30 000 à Paris) je comprends que certains d’entre eux finissent par haïr les Parigots. Certains parisiens sont des enfants gâtés et connectés, pas des citoyens, qui plutôt que de se baisser pour ramasser un papier gras à coté d’une poubelle préfèrent le filmer pour l’envoyer à l’application « dans ma rue » …
300 000 vues en deux jours ! lA gloire !
Il y en a d’autres, et un paquet, des métiers difficiles. Tiens, par exemple, Inés la gentille journaliste du Parisien qui est venue m’interviewer, elle aussi, fait un boulot compliqué. Envoyée par sa rédaction pour faire un reportage sur un loustic dans mon genre, elle arrive avec son appareil photo pour filmer mes envolées lyriques. Elle m’explique (sans se plaindre) qu’elle doit écrire, filmer, prendre le son, faire le montage de son reportage en un temps record. Quand je pense qu’elle se coltine le Père Lambert, son vélocargo et ses sacs à caca alors qu’elle rêvait peut être d’ interroger un grand penseur, un chercheur ou un philosophe… Elle aurait pu dénoncer un scandale d’état en étant devant une voie ferrée pour filmer les déchets nucléaires qu’on envoie en Russie. L’information n’est plus ce qu’elle était. Le titre de la vidéo de mes exploits intitulée « Armé de son appareil photo, Alain cherche les propriétaires de chiens indécrottables » fait penser que je photographie ceux qui avec leurs cadors partent sans ramasser pour les dénoncer. Pourtant, je fais strictement le contraire. Je fais les portraits des chiens de ceux qui jouent le jeu du ramassage.. En deux jours, la vidéo a fait 300 000 vues… La délation fait un carton ! Peut être aurais-je un jour ma minute de gloire comme Jenifer qui recadre un spectateur qui lui demande d’enlever son short ! (la vidéo la plus vue sur la chaîne du Parisien) ? J’aurais peut être dû jeter une crotte sur quelqu’un qui ne ramassait pas dans la rue ? Ça aurait fait encore plus de vues ! En regardant les autres vidéos du journal, je repère une autre information capitale : je constate qu’à Singapour, on délègue un robot pour faire mon boulot. Le décideur singapourien, lui au moins c’est un malin…