Voici le discours d’Hervé Belardi (Vice Président de la CNSPA) lors de la remise de la médaille au maître chien du RAID conducteur de Diesel :
« 18 novembre 2015 au petit matin.
Le tourbillon des reportages ultra répétés des chaînes d’information permanente s’interrompt brusquement sur une actualité brûlante : à St Denis, une intervention du RAID, en relation avec les attentats de Paris de la semaine passée, est en cours.
Surprise, la presse n’a pu que récupérer les images tréssautantes d’une caméra amateure. Elles tournent en boucle et dévoilent une opération d’une rare intensité avec, en bruit de fond, des cris de surprise ou de peur.
…Et puis, soudain tout en bas des écrans, de manière presque indécente car tellement laconique, un bandeau apparaît : un chien d’assaut du RAID a perdu la vie.
Il s’appelait Diesel.
Dans une France « ko debout » depuis les attentats de Paris et du Bataclan 5 jours plus tôt, les réseaux sociaux sont à vif et s’enflamment immédiatement.
En quelques heures, la mort de Diesel éclipse l’actualité nationale et très vite, les presses étrangères s’emparent également de l’évènement et de l’émotion du peuple français pour ce chien d’assaut.
Qui étiez-vous donc Diesel, aussi nécessairement anonyme qu’extraordinaire de courage, d’abnégation et détermination.
Lorsque en 2009, le Centre National des Unités Canines de la Police Nationale vous recrute, c’est dans le but de vous former aux activités de pistage.
Mais le débourrage ne se révèle pas concluant, vous êtes beaucoup plus à l’aise dans le domaine des frappes musclées et du mordant. Diesel ne fait pas dans la dentelle…
Vous effectuez alors un stage de 3 mois pour apprendre le métier très particulier de chien de patrouille.
C’est là que vous êtes repéré pour vos aptitudes réellement très au-dessus de la moyenne.
Vous êtes naturellement testé pour devenir chien d’assaut au RAID, cette unité d’élite de la police nationale qui deviendra votre famille puisque, en 2010, alors que vous avez deux ans, vous devenez membre du RAID, l’école de l’exigence et de la rigueur pour les hommes et les chiens.
On vous qualifie volontiers de ON/OFF : tant à l’entrainement qu’en intervention, vous êtes très calme dans la colonne et, pendant les périodes d’attente, couché, à chercher la caresse…
…Mais dès que la tension monte, lorsque l’imminence de l’intervention surgit, vous êtes présent, ultra motivé, toujours silencieux et sous contrôle.
En 2011, J…, vous commencez à assurer les interventions avec Diesel et, durant plus de 4 années, vous formerez avec lui une équipe inaltérable.
Vous ne comptez plus ces permanences et astreintes, pas davantage ces promenades du matin, ces périodes d’alertes durant lesquelles, au fond d’un atelier désaffecté, dans un appartement vide, un véhicule ou une chambre d’hôtel, vous attendrez tous les deux le signal…
Vous ne comptez plus vos heures à vous entrainer avec Diesel, c’est-à-dire à poursuivre l’œuvre consistant à tailler le plus finement possible ce diamant brut pour que votre tandem se maintienne au rang de l’excellence, la seule arme réellement efficace contre l’échec.
A l’approche de l’hiver 2015, vous commencez juste à vous faire à ces quelques poils blancs au museau et qui annoncent la retraite prochaine de votre équipier.
Diesel va bientôt vous quitter pour une famille que vous connaissez bien et qui l’attend pour l’été 2016…
Cette nuit, J…, cette nuit durant laquelle votre chien vous a quitté, vous l’avez vu, le calme revenu après les longs échanges de tirs et grenades, partir,…
Vous l’avez peut-être suivi du regard tandis qu’il entrait dans une première pièce vide.
Vous l’avez vu s’élancer dans la deuxième pièce et vous avez entendu ces terribles coups de feu, ces grondements si caractéristiques du gros calibre en milieu confiné.
Elles seront longues ces secondes durant lesquelles, secrètement, dans cette ambiance tactique, vous espérerez le voir revenir vers vous, même en rampant.
Mais Diesel ne reviendra pas : victime du devoir, il aura donné sa vie pour épargner celle de ses collègues policiers mais aussi celle de gens comme nous tous, cibles potentielles de la barbarie ordinaire qui a transformé profondément notre pays…
J…, depuis maintenant presque 2 ans que nous sommes en contact, je sais que vous préférez l’air libre avec vos chiens plutôt que discourir en public.
Vous avez néanmoins tenu à être avec nous aujourd’hui tant il vous est apparu important de saluer la mémoire de votre camarade tombé en opération.
Croyez bien que nous vous en remercions très vivement.
Diesel, je vous connais maintenant si bien que je fais choix de te tutoyer… Puisque tu es parti vers un monde prétendument meilleur, tu as sans doute croisé bon nombre de ces héros à quatre pattes et peut-être même Moustache, le chien de l’armée napoléonienne avec qui tu dois sans doute partager la vedette au paradis…
Oh, bien sûr, une médaille ne te ramènera pas, mais au moins, à chaque fois que ton maître la regardera, il reverra tes yeux levés vers lui, ces yeux qui, sans cesse, guettaient l’approbation et la confirmation du travail bien fait.
Et qui sait si, comme le disait le poète :
« Jour après jour il faut l’admettre,
Voir ceux qu’on aime disparaitre,
C’est ce qui fait vieillir trop tôt.
Au paradis des chiens, peut-être,
Ton long museau à la fenêtre,
Tu nous accueilleras bientôt. »
Au nom du président de la Confédération Nationale des SPA de France, nous te décernons la médaille d’honneur du Général de Grammont qui aura laissé son nom à la première loi sur la protection des animaux en 1850.
Mais bien davantage que la protection animale, c’est aujourd’hui ton pays qui te remercie, s’incline et te salue avec un très profond respect. »
Hervé Belardi