Quand il faut choisir un chien, les standards de races inventés par les humains ne doivent pas être totalement pris au sérieux car ils trient le bon grain canin de l’ivraie en fonction de la longueur, la texture et la coloration du poil (ce que les éleveurs appellent des robes). Ainsi, les concepteurs des races reconnues par la Fédération Cynologique Internationale, emportés par l’élan de la création, ont souvent ajouté à la description physique de leurs standards des aptitudes intellectuelles qui n’ont rien d’héréditaires.
Le Puli, par exemple, ce berger hongrois que l’on reconnaît parce qu’il a « le corps entièrement recouvert d’une toison fortement développée qui a la tendance à former des flocons ou des cordes. » est selon son standard un chien « extraordinairement zélé » qui « aime les enfants ». Le bearded collie reconnaissable avec son poil « double, le sous-poil est doux et serré, semblable à de la fourrure. » serait officiellement un « chien de travail intelligent ».
Puli à Boulogne Billancourt Bearded Collie à Paris
Sans vouloir faire passer les administrateurs de la SCC ou de la FCI qui publient les standards de races pour des oies blanches, je dois dire que c’est assez déconcertant. C’est un peu comme si, pris d’une folie soudaine, les hommes attribuaient à leurs semblables des qualités intellectuelles et morales en fonction de leurs types de peau. On n’imagine pas un seul instant qu’un détail morphologique comme la composition ou la quantité de mélanine puissent déclencher dans notre espèce (si clairvoyante) une ségrégation en fonction de leur concentration dans l’épiderme.

Qui oserait croire que notre intelligence supérieure puisse ainsi créer une règle qui autoriserait ou refuserait le droit d’accéder à un lieu public ou à un transport en commun en fonction de l’apparence de la peau ? Nous n’appliquons ce principe que pour sélectionner les chiens et, que « Saint- Google » nous en protège, nous ne sommes pas assez idiots pour l’appliquer à notre propre espèce.
Pourtant, en 1999, les décrets d’application de la loi sur les chiens en France, ont institué, c’était une première depuis la révolution, une définition de la dangerosité en fonction de critères raciaux. Si on les regarde avec l’œil expert d’une esthéticienne ou d’un barbier, on peut très vite constater que les deux catégories de races dites « dangereuses » (d’attaque et de défense) concernés par la loi ne comptent dans leurs rangs que des chiens à poils courts. Il faut dire ici aux néophytes que les robes des chiens peuvent présenter 3 longueurs de poils (courts, semi-longs, longs), une dizaine de textures (avec ou sans sous-poils) et une centaine de coloris. Précisons qu’il existe aujourd’hui 353 races reconnues par la FCI…
Oris, le chiot Rottweiler
Court, semi-long ou long, avec ou sans sous poils, le pelage du chien demande un peu, beaucoup ou énormément d’entretien !
Pour ne pas avoir de problème de catégorisation ou de toilettage, la facilité serait de choisir un chien sans poil : un chien nu chinois, mexicain ou un american hairless terrier . En revanche, le fait de ne pas avoir de poil ou très peu vous obligera à acheter un manteau pour chien en hiver et à faire attention aux coups de chaud en été.
chien nu chinois chien nu mexicain american hairless terrier
En dehors de ces toutous sélectionnés pour leur manque de pilosité, tous les autres chiens naissent avec un manteau naturel, un « poil de bourre » qui est plus ou moins doux en fonction de la densité des poils. C’est après quelques mois seulement qu’en fonction de la génétique, des poils secondaires peuvent apparaitre. La présence ou non de ce sous-poil, la texture et la taille des poils vont nécessiter pour le propriétaire plus ou moins de temps (ou d’argent) pour entretenir le pelage du chien.

A la racine du poil se trouve une papille qui secrète la substance du poil et sa croissance (environ un centimètre par mois) en fonction des pelages avant de devenir un poil mort. Le poil principal des chiens à poils courts ne poussent pas très longtemps (environ 4 mois) avant de mourir et d’être remplacé par un nouveau poil qui pousse le poil mort et le fait tomber naturellement pendant les périodes de mues en hiver et en été. L’entretien des chiens à poils courts est peu contraignant puisqu’un brossage hebdomadaire suffit pour enlever ces poils morts. Il faut préciser ici que la bonne santé du poil dépend de son patrimoine génétique mais aussi de la qualité de la nourriture que vous aurez donnée à votre animal domestique. Si vous donnez un aliment farci de protéines végétales ou animales de mauvaise qualité, le pelage de votre chien risque fort d’être terne et adipeux.
Certains chiens comme les petits lévriers italiens n’ont que des poils primaires courts et pas de sous-poils. Ces poils sont appelés ras, comme ceux du bull terrier, quand ils restent droits en ligne sur toutes leurs longueurs. Il y a aussi des chiens à poil court avec un sous-poil comme le bouvier d’Appenzel.
En matière de sélection raciale, nos amis germains en connaissent un rayon. Le berger allemand est la race la plus connue au monde avec son poil plus ou moins long (mais avec obligatoirement un sous-poil nous dit le standard officiel). Mais c’est certainement le teckel (dachshund) qui est, du point de vue de la diversité de couleurs et de texture de poils, le plus intéressant. Dans la nomenclature des 10 groupes de races de la Fédération, il occupe un groupe à lui tout seul avec trois tailles, trois types de poils et une multitude de coloris. C’est un vrai filet garni de la cynophilie.
teckel à poil ras teckel à poil dure
La facilité d’entretien a été vraisemblablement l’un des atouts qui a fait du teckel à poil ras le deuxième chien le plus vendu en France dans les années 60 (3367 naissances LOF en 1969). Puis, dans les années 70 et début 80, période bénie des pattes d’éph et de la liberté capillaire, le teckel à poil long a eu son heure de gloire (1980 naissances au LOF en 1980). Ce chien a la particularité d’avoir un poil principal qui a une durée de vie bien plus longue que celui de ces collègues à poil dur ou court. La texture de son poil doux et plat ne fait pas vraiment de bourres, c’est pourquoi un peignage régulier suffit pour entretenir ses franges comme pour les setters Anglais, Gordon, Irlandais.
Setter Anglais Setter Gordon Setter Irlandais
Certains poils nécessitent un entretien journalier ou c’est « massacre à la tondeuse » !
En revanche pour d’autres races de chiens à poils longs, c’est plus coton ! Pour en avoir un, il ne faut pas avoir un CAP coiffure mais on en est pas loin. Le bichon maltais (qui n’a pourtant pas de sous-poil) comme le yorkshire ont un poil très long, droit et soyeux qui doit être peigné très régulièrement. Le Lhassa Apso et le Shih Tzu, son collègue tibétain,ont des poils de couverture longs, droits mais pas soyeux avec un sous-poil abondant. Les combinaisons entre des textures différentes, des sous-poils et des poils de couverture demandent souvent pas mal d’entretien.
Pour ces petites races ou certaines races de grands chiens à poils long comme les briards, les colley barbu ou les bobtails , il faut absolument prendre le temps de les toiletter à fond sinon les bourres de poils qui peuvent se former sont irrécupérables et conduiront ces chiens irrémédiablement chez un toiletteur (qui va être grognon) et n’aura plus que la boule à zéro à la tondeuse comme solution !
Certains petits malins pourront penser qu’il suffit de choisir une race de chien qui ne perd pas ses poils comme les caniches, les bichons ou certains terriers à poils durs. En réalité ces races perdent moins leurs poils mais nécessitent une tonte régulière pour les premiers ou un toilettage par épilation pour les seconds. A défaut d’avoir une formation en toilettage, il faudra avoir un budget toiletteur pour ces prestations.
En revanche, certaines races de chiens comme les samoyèdes ou les spitz allemands avec des sous-poils denses ne doivent jamais être tondus comme tous les chiens nordiques d’ailleurs. Même les quarante degrés qui frappent régulièrement la capitale en été ne sont pas une bonne raison pour raser un manteau constitué d’un poil et d’un sous-poil (quand il est bien brossé) qui servira de couverture thermique quand il fait chaud. En été, il faut mouiller ces chiens pas les raser…
Des grigris à poils mi-longs pour faire de la médiation
Comme je l’ai dit précédemment, depuis 1999, la loi française est plus dure pour les chiens qui ont des poils courts. C’est pourquoi, pour pouvoir passer partout et ne pas avoir une allure de délinquant j’ai pris grand soin pendant cette période de sélectionner des chiens à poils mi-longs pour aller travailler dans les écoles ou les institutions pour personnes handicapées (ce qu’on appelle aujourd’hui de la médiation animale) . Dans le catalogue de plus en plus long des races de chiens , il y a une multitude de races à poils mi-longs qui bénéficient avant même de naître d’un caractère épatant : le schnauzer avec son poil mi-long dur (qui est selon son standard un chien « aimant beaucoup les enfants, incorruptible et vigilant« ) ou le chien à poil mi-long lisse le plus connu au monde le berger allemand qui selon sa définition officielle « doit être pondéré, bien équilibré, sûr de lui, absolument naturel, parfaitement inoffensif (sauf état d’excitation), vigilant et docile. »
Je n’ai qu’une confiance très modérée dans la description d’un caractère uniforme qui dépendrait de la forme. C’est pourquoi, après la loi de 1999 , j’ai choisi d’adopter des chiens adultes « sur mesure » dans des refuges selon mon standard personnel : des griffons aux poils broussailleux d’un gris « passe partout » qui n’avaient pas le poil court des chiens catégorisés. J’ai ainsi sélectionné Grigri (au refuge d’Orgeval), Frisbee (à Gennevilliers) et Titi (à Hermeray) qui sont en photos ci-dessous.
Titi,Frisbee et Grigri, trois grisgris à poils mi-longs issus de l’adoption
Je savais qu’en prenant ce type de poilus, je ne générerai aucun a priori négatif en entrant dans une institution. Seuls des dermatologues cynophiles auraient pu voir le tour de passe passe que je jouais aux enfants en observant mes grigris. Les chiens ne peuvent être gris que parce qu’ils ont des poils noirs (plus ou moins foncés) et des poils blancs mélangés. Pendant des années, j’ai donc visité les organismes qui accueillaient les enfants avec mes griffons. Je prenais Frisbee pour leur apprendre à faire obéir un chien avec des signes. Puis je leur apprenais avec toute la patience de Grigri, comment faire marcher un chien en laisse. Titi m’aidait à leur montrer comment rapporter des objets. Après une telle démonstration, il ne fallait pas beaucoup de temps pour que les enfants, qu’on sait fort observateurs, constatent que les griffons gris étaient des chiens plus sociables et obéissants que la plupart des chiens qu’ils croisaient dans la rue. J’ai pu initier des milliers d’enfants à cette théorie avant de leur apprendre que c’était une supercherie. On ne peut pas se fier au pelage d’un individu, même chez les chiens, pour prévoir son caractère. La texture d’un poil ne peut pas augurer des aptitudes intellectuelles d’un animal pas plus que sa couleur ( nous en parlerons dans un prochain article).
Alain Lambert